HABITAT - L’habitat protohistorique en Europe

HABITAT - L’habitat protohistorique en Europe
HABITAT - L’habitat protohistorique en Europe

Entre le VIe et le IVe millénaire, l’extension progressive à la plus grande partie de l’Europe de la pratique de l’agriculture et de l’élevage a déterminé de profondes modifications touchant tous les domaines: économie, technologie, démographie, organisation sociale, religion en subissent le contrecoup. Partout vont se manifester des différences très sensibles dans le domaine de l’habitat entre ce qui précède et ce qui suit la «révolution néolithique», comme on l’appelle parfois, ou, si l’on préfère, la phase de sédentarisation qui peut être considérée comme marquant la limite entre préhistoire et protohistoire. Ces différences portent à la fois sur les matériaux utilisés dans la construction des habitations, les plans de celles-ci et leur aménagement intérieur, leur mode d’implantation spatial et leur protection. Facteurs historiques, géographiques et écologiques s’imbriquent pour donner à l’habitat protohistorique européen une très grande variabilité dans le détail, d’où émergent quelques ensembles régionaux assez homogènes.

Le passage des populations de l’Europe d’une économie uniquement prédatrice (chasse, pêche, cueillette) à une économie en partie productrice (agriculture, élevage) ne s’est apparemment pas fait en vase clos, par évolution spontanée, comme cela a été le cas en d’autres parties du monde. La totalité des espèces sur lesquelles repose la première agriculture européenne (blés, orges et quelques légumineuses) et une partie au moins des premières espèces domestiquées (ovicapridés, bœuf, porc) ont certainement été introduites en Europe, par l’intermédiaire de la Turquie, à partir du Proche-Orient, où leur domestication est connue à plus haute époque. Ce qui importe davantage ici, c’est que cette introduction, réalisée aux alentours de 6000 avant notre ère et sans doute en partie par voie de colonisation, s’accompagne de l’apparition en Europe de nombreux traits culturels d’origine proche-orientale, notamment en ce qui concerne l’habitat.

L’habitat balkanique

En ce domaine, le large emploi fait de l’argile dans la construction de la maison, le plan quadrangulaire de celle-ci ne renvoient à aucune tradition locale, mais bien au Néolithique de l’Anatolie et de l’Asie du Sud-Ouest. Les habitations du Néolithique balkanique ne seront pas cependant une copie servile de celles du Proche-Orient, telles qu’on les connaît par exemple par les sites de Hacilar et de Çatal-Hüyük, en Turquie. Deux caractères importants différencient notamment l’architecture européenne et celle du Proche-Orient: les toits, en terrasse, en Asie sud-occidentale, sont en Europe des toits à double pente, mieux adaptés à une pluviosité plus forte, et les maisons européennes sont presque toujours indépendantes, et non agglomérées comme celles d’Asie.

Les maisons néolithiques des Balkans et d’Ukraine s’individualisent, dans l’ensemble européen, par l’importance de l’emploi de l’argile; dans les régions les plus fertiles, où les nécessités du rendement agricole n’imposaient pas un déplacement périodique de l’habitat, la reconstruction des maisons endommagées sur le même emplacement conduisait à la formation progressive d’une butte analogue aux tells du Proche-Orient; ce type de structure est surtout connu en Thessalie, où il porte le nom de magoula , ainsi que dans les pays de l’ex-Yougoslavie et en Bulgarie, où le tell de Karanovo a encore plus de 12 mètres de hauteur. L’emploi de la pierre est restreint à la Grèce; utilisée d’abord uniquement pour donner plus de solidité à la base des murs, elle aura progressivement un rôle de plus en plus important. Le toit était en bois, et son aspect extérieur nous est connu par une petite série de modèles réduits en terre cuite, qui montre des toits à deux pentes, voire à quatre pentes pour les plans carrés, avec une ouverture pour laisser échapper la fumée du foyer. Le faîtage reposait sur une ligne axiale de quelques poteaux, le reste de la charpente du toit s’appuyant sur la partie supérieure des murs. En Grèce, ces derniers avaient parfois des contreforts internes, qui donnaient une meilleure assise au toit. Plus au nord, les murs de terre incorporent une rangée de poteaux de bois assez rapprochés, mais de médiocre diamètre, qui en renforcent la solidité et doivent assurer le rôle essentiel dans la sustentation de la base du toit. De plan parfois carré, ou le plus souvent rectangulaire, les maisons néolithiques des Balkans sont assez spacieuses, avec des longueurs allant de 4 à 20 mètres pour une largeur de 4 à 8 mètres. Si les plus anciennes n’ont qu’une pièce, le type le plus courant, à partir du Néolithique moyen, est une maison de deux pièces, souvent précédée, en Grèce, d’un porche. Plusieurs bonnes fouilles, ainsi que quelques modèles en céramique, donnent une idée assez précise de l’organisation interne de ces maisons, dont le sol était généralement de terre battue, plus rarement recouvert d’un plancher. Le foyer ou four interne est de règle. Dans les maisons du Néolithique récent d’Obre, en ex-Yougoslavie, une des pièces est réservée au stockage des provisions, l’autre contient un four en terre cuite, une fosse ou un vase pour le vidage et le stockage des cendres, un lit en bois, ainsi que les objets d’utilisation quotidienne. Les maisons néolithiques ukrainiennes montrent souvent la présence de plusieurs fours (1 à 5), indiquant la présence de plusieurs familles sous le même toit; on y relève aussi l’existence de banquettes en argile, et celle de petites plates-formes cruciformes d’usage indéterminé.

La maison danubienne

Au nord de la Hongrie s’élabore, dès le début du Néolithique (ici au Ve millénaire) un type d’habitation qui diffère sensiblement de celui de la zone balkanique, et est mieux adapté à une pluviosité plus forte comme à un pays plus boisé: c’est la maison dite danubienne, dans la construction de laquelle la pierre ne joue aucun rôle, l’argile fournit un modeste appoint, et le bois a la part principale. Ici plus de tells ni de traces visibles au sol; il ne subsiste des maisons que le fond des fosses dans lesquelles ont été insérés, puis calés avec de la terre, les poteaux de bois qui servaient à soutenir le toit (trois rangées parallèles) et ceux, moins profondément enfoncés au début, qui servaient d’armature à des murs en clayonnage enduits d’argile qu’on se procurait localement en creusant deux fosses parallèlement aux longs côtés de la maison; ces fosses de construction, ultérieurement comblées par les déchets mobiliers qui seuls permettent la datation de la maison, ont été pendant longtemps considérées comme des habitations, sous le terme encore employé parfois aujourd’hui de «fond de cabane»; la reconnaissance ultérieure de l’existence et de la signification des trous de poteaux les a depuis reléguées à leur fonction secondaire originelle, même si quelques-unes ont servi occasionnellement d’atelier en plein air à quelque habitant de la maison voisine. La maison danubienne à cinq rangées de poteaux parallèles connaît une très vaste extension géographique, avec une constance architecturale remarquable; on la rencontre depuis l’Ukraine, à l’est, jusqu’à la France septentrionale à l’ouest, en passant par la Pologne, la Roumanie, le territoire de l’ex-Tchécoslovaquie, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. Des fouilles extensives et soignées menées en Tchécoslovaquie (Bylany), en Allemagne, aux Pays-Bas et depuis peu en France (notamment à Cuiry-lès-Chaudardes, dans la vallée de l’Aisne), permettent de connaître particulièrement bien l’habitat néolithique danubien, malgré la modicité des vestiges qui en subsistent, les sols d’époque n’étant jamais conservés. Toujours de plan rectangulaire à l’origine, la maison danubienne a une largeur assez constante (de 6 à 8 mètres), mais une longueur extrêmement variable, allant d’une dizaine de mètres à plus de 40 mètres; si les moins longues correspondent certainement à une famille individuelle, les plus grandes devaient abriter plusieurs familles apparentées. Le plus souvent, une maison se détache de l’ensemble par ses dimensions ou le soin apporté à sa construction; il peut s’agir d’un bâtiment à usage communautaire (maison de réunion des jeunes célibataires, par exemple). L’examen attentif des plans laisse souvent pressentir l’existence d’une division interne tripartite de la maison, surtout dans la partie ouest du domaine danubien; la porte, qui s’ouvre toujours sur le petit côté sud ou est, introduit d’abord dans une petite pièce (antichambre), où le doublement des poteaux indique souvent l’existence d’une plate-forme surélevée, qui sert certainement de grenier. La partie centrale de l’habitation, la plus vaste, était à usage d’habitation; la partie terminale nord ou ouest (entrepôt) avait également une destination particulière, qui est moins claire. Comme dans les Balkans, quelques modèles réduits en terre cuite nous indiquent le mode de construction du toit et des murs; le meilleur de ces documents provient de St face="EU Caron" シelice, en Moravie, et montre une grosse charpente que le clayonnage des murs et le chaume (ou les roseaux) du toit ne parviennent pas à masquer. Alors que les maisons balkaniques étaient orientées un peu indifféremment, les maisons danubiennes le sont de façon très stricte. Leur direction est parallèle aux vents dominants, qui vont de nord-sud en Europe centrale à ouest-est en Europe occidentale; la porte s’ouvre toujours à l’opposé du vent dominant; également pour mieux résister au vent, la partie postérieure de la maison, la plus exposée aux bourrasques, était pourvue de poteaux plus denses et plus profondément enfoncés dans une tranchée creusée préalablement, au lieu des simples trous habituels assez espacés. Au Néolithique moyen, de nouvelles dispositions seront prises pour améliorer la résistance au vent, en donnant cette fois à la maison une forme plus aérodynamique: aux plans rectangulaires vont se substituer des plans trapézoïdaux, l’extrémité exposée de plein fouet au vent dominant étant plus étroite et plus basse que l’extrémité opposée; d’autres procédés seront utilisés pour donner plus de solidité aux parois, soit en doublant les rangées de poteaux les constituant, soit en insérant celles-ci dans une tranchée sur toute leur longueur; tous ces procédés montrent que la solidité des grandes maisons danubiennes, destinées à abriter plusieurs familles, n’a pas été sans poser des problèmes à ses constructeurs; le problème sera résolu, à la fin du Néolithique, par l’abandon des grandes maisons plurifamiliales, et le retour à une maison unifamiliale d’une ou deux pièces, en même temps qu’au plan rectangulaire initial. Dans le même temps sont abandonnées les trois rangées centrales destinées à soutenir le toit, une unique rangée axiale suffisant à cet effet, comme dans les autres types de maisons néolithiques européennes.

L’habitat en Europe centrale

Pour la connaissance des types architecturaux qui succèdent à la maison danubienne en Europe centrale, nous disposons d’une documentation très importante, bien que d’interprétation souvent délicate, avec les villages de tourbière et les habitats de bord de lac (ou stations littorales) qui ont été fouillés en grand nombre dans le sud de l’Allemagne, en Suisse, en Italie du Nord et dans l’est de la France, et qui s’étendent chronologiquement du Néolithique récent à l’extrême fin de l’Âge du bronze. Ce type d’habitat a été révélé en 1854 par l’exondation, à la suite d’un hiver très sec, de nombreux ensembles denses de pieux plantés dans la beine des lacs suisses, correspondant manifestement, d’après les vestiges associés, à des vestiges d’habitations protohistoriques; ces pieux furent aussitôt interprétés comme ayant été destinés à servir d’assise à une plate-forme dominant les hautes eaux du lac, plate-forme sur laquelle s’élevaient des maisons rondes ou rectangulaires, et qu’une passerelle (éventuellement mobile) reliait au rivage. Cette conception de «cités lacustres», également appelées palafittes, n’a guère été mise en question par les archéologues européens pendant un siècle. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’elle a subi les assauts d’Oscar Paret, qui, bientôt suivi par la grande majorité des préhistoriens européens, devait conclure que les cités lacustres n’étaient qu’un mythe, qui devait céder la place à l’image moins romantique de banales maisons construites à même le sol, en bordure de lac, sur des emplacements ultérieurement érodés et ennoyés par suite d’une remontée du niveau de l’eau. Il est certain que l’argumentation de Paret est définitive en ce qui concerne les villages de tourbière, qui restituent à la fouille (comme à Ehrenstein, fouillé par Paret lui-même) les sols des maisons, souvent soigneusement planchéiés, ailleurs couverts d’écorce de bouleau, mais toujours bien en place, avec leurs foyers formés de lentilles d’argile et de galets, qui se retrouvent dans les sites sous-lacustres à divers degrés de destruction. En ce qui concerne les villages de bord de lac, il semble que le jugement doive être plus nuancé que celui qu’avait formulé Paret. S’il est souvent difficile de conclure, l’étude de l’état des vestiges contenus dans la couche archéologique correspondant à l’habitat étudié, en même temps que les études géologiques et paléontologiques, permet parfois, mais non toujours, de conclure à l’existence de maisons sur pilotis, parfois même de plates-formes semblables à celles qui avaient été postulées au XIXe siècle. Dans le Jura français, les fouilles de Clairvaux ont montré l’existence de nombreux petits villages construits sur des avancées du rivage, avec des maisons tantôt construites sur le sol même, tantôt sur un sol surélevé, les deux cas pouvant se présenter dans un même village, où certaines maisons peuvent même avoir une des extrémités bâtie sur terre ferme et l’autre sur une plate-forme reposant sur des pilotis. De même, les chemins de rondins qui relient les villages littoraux aux sols bien secs peuvent avoir été construits soit à la surface du sol, soit surélevés. En ce qui concerne les parois des habitations, on voit s’ajouter, à l’Âge du bronze, aux murs en clayonnage ou en planches la construction en rondins placés horizontalement et superposés (Blockbau ), qui se rencontre aussi bien dans les habitats de hauteur que dans les stations littorales. Dans la station de hauteur de Sissach, en Suisse, des maisons en Blockbau possédaient une infrastructure en pierre d’une certaine importance, qui palliait les inconvénients du terrain en pente. Par ailleurs, l’Europe centrale et septentrionale conserva jusqu’au début de l’époque historique des maisons rectangulaires en bois dans la tradition de celles de la fin du Néolithique.

L’habitat en Europe occidentale

L’Europe occidentale offre, en ce qui concerne l’habitat protohistorique, un tableau beaucoup plus complexe que celui de l’Europe centrale et orientale, et la persistance de traditions remontant au Mésolithique peut entrer ici en ligne de compte. L’habitat en grotte joue encore un rôle non négligeable dans le Néolithique, surtout ancien, de l’ouest de l’Europe; il peut s’agir d’habitats permanents, surtout dans le Néolithique ancien du Sud-Ouest européen, où les effets de la révolution néolithique ne se font encore sentir que de façon incomplète et où les communautés humaines restent peu importantes; ultérieurement, il s’agira sans doute davantage d’habitats saisonniers en relation avec des activités non agricoles, ou encore d’habitats-refuges qui n’étaient occupés que dans les périodes d’insécurité. Même les maisons de plein air, dans le Néolithique ancien de l’Europe sud-occidentale, semblent ressortir davantage à des prototypes mésolithiques indigènes qu’à des types importés de l’est, comme c’est le cas dans les Balkans; les aires ovales empierrées de Courthézon, dans le Vaucluse, les trous de pieux en arcs de cercle de Pienza, en Toscane, et même les très nombreuses structures circulaires comparables aux kraals sud-africains qui remplissent les enceintes néolithiques des Pouilles, en Italie du Sud, semblent ne pouvoir avoir de prototypes que locaux. Si, au Néolithique évolué, l’influence des maisons quadrangulaires du Néolithique danubien, à partir de la France septentrionale, se fait sentir jusqu’en Angleterre, en Irlande et dans le sud-ouest de la France, elle n’y élimine nulle part les plans circulaires qui se retrouvent mêlés aux structures rectangulaires aussi bien à Lough Gur, en Irlande, qu’à Villeneuve-Tolosane et Saint-Michel-du-Touch, dans la région toulousaine. Des îles méditerranéennes à l’Écosse, les derniers siècles du Néolithique et l’Âge du bronze voient un essor de l’architecture en pierres sèches dans de très nombreuses régions de l’Europe occidentale, ici durable, ailleurs non. Vers 2000 avant notre ère, les garrigues de l’Hérault et du Gard se couvrent de villages de maisons en pierres sèches, qui n’auront que quelques siècles d’existence; à côté de rares plans circulaires ou subquadrangulaires, la majorité des maisons montre des plans subovalaires, ou subquadrangulaires à angles arrondis; si la largeur se situe presque toujours entre 2 et 6 mètres, les longueurs, comme dans les maisons danubiennes, sont beaucoup plus variables, et peuvent dépasser 25 mètres; les murs en pierre, localement parementés d’orthostates à la base, pouvaient atteindre 1,50 mètre d’épaisseur, et s’élever jusqu’à 2 mètres de hauteur. Le mode de couverture reste conjectural; dans certains cas, une ligne axiale de pierres de calage de poteaux suggère un toit à double pente en matériaux périssables, arrondi aux extrémités, sans pignon; les portes, à linteau de pierre ou de bois, pouvaient s’ouvrir sur un des longs côtés ou à l’une des extrémités, et parfois aux deux extrémités. À Conquette dans l’Hérault, la position du foyer, au tiers postérieur, suggère l’existence d’une cheminée, et la localisation dans la partie centrale des activités domestiques postule l’existence de fenêtres; la partie postérieure était réservée au stockage des provisions et la partie antérieure au couchage. Les maisons à murs de pierre, de plan circulaire, ovale ou quadrangulaire à angles arrondis, abondent à l’Âge du bronze et à l’Âge du fer dans les îles méditerranéennes. Dans les îles éoliennes, au nord de la Sicile, les plans sont souvent proches de ceux du Languedoc (Milazzese, Capo Graziano). Dans les villages nuraghiques de Sardaigne et dans les villages torréens de Corse, en revanche, ce sont les plans circulaires ou proches du carré qui dominent, avec des dimensions modestes. Dans la péninsule Ibérique, l’architecture en pierre est connue dès l’Âge du cuivre, et connaîtra son développement le plus important à l’Âge du fer, dans des villages où les maisons de plan circulaire, quadrangulaire et quadrangulaire à angles arrondis se mêlent intimement. Ailleurs, à la même époque, comme à Cortes de Navarra dans le nord de l’Espagne, c’est l’argile qui fournit le matériau de construction le plus utilisé, sous forme de briques crues dont sont bâtis les murs de longs bâtiments rectangulaires généralement divisés en trois pièces: une entrée carrée, une grande pièce d’habitation avec foyer, et un petit entrepôt à provisions au fond; des bancs en argile courent le long des parois, et une fosse rectangulaire à l’intérieur de la pièce principale semble avoir servi de cage à un cochon à l’engrais. Les murs étaient ornés de peintures géométriques ou anthropomorphes.

Dans les îles Britanniques, le village de Skara Brae, conservé intact sous le sable dunaire qui l’avait recouvert, fournit un exemple remarquable d’architecture en pierre de la fin du Néolithique; les plans dérivent du carré à angles arrondis, avec un foyer central bordé de pierres, des lits également bordés de pierres, des buffets de pierre, des niches creusées dans les murs, excessivement épais, ou dans le sol. À la même époque, à Lough Gur, en Irlande, des maisons à murs incorporant pierre, terre et bois offrent un mélange de plans quadrangulaire et circulaire; plus tard, à l’Âge du bronze et à l’Âge du fer, les bâtiments de plan circulaire, souvent de grandes dimensions, semblent seuls subsister dans les îles Britanniques; ils sont le plus souvent construits en bois, sur la base d’un ou de plusieurs cercles concentriques de poteaux, sauf dans des régions comme la Cornouailles où la pierre est plus abondante et où la pierre et la terre jouent le rôle principal dans la construction des murs.

Entre l’ouest de la péninsule Ibérique où les maisons rondes sont courantes et la Grande-Bretagne où elles sont la règle générale, l’habitation à plan circulaire n’est pas archéologiquement attestée en France aux Âges du bronze et du fer, malgré un passage des Commentaires de César qui semble s’appliquer davantage à la Grande-Bretagne qu’à la Gaule. Partout en France les fouilles livrent des maisons de plan quadrangulaire, ou des maisons quadrangulaires à angles arrondis, dont le matériau de construction est le plus souvent le bois, sauf dans la zone méditerranéenne où la pierre est généralement employée.

Le groupement des habitations

Mais on n’a pas tout dit sur l’habitat en décrivant l’architecture de la maison. Il reste à examiner le mode de groupement des maisons, et éventuellement les dispositifs de protection réalisés par leurs habitants. Dans le Néolithique des Balkans et d’Europe centrale, les habitations se groupent en petits villages de dix à trente maisons; ce chiffre ira en augmentant dans les zones les plus favorables à l’agriculture, en période de prospérité, comme sur les terres noires de l’Ukraine où les agglomérations de la fin du Néolithique peuvent atteindre cent et même deux cents maisons; en revanche, les stations littorales de la zone périalpine, sises dans des régions aux possibilités agricoles limitées, n’atteignent que rarement le chiffre de dix maisons, et dans les stations de hauteur, datant de la même époque, le chiffre doit être aussi bas, sinon plus. En Europe occidentale, les agglomérations importantes sont rares, et ne se rencontrent que dans des zones exceptionnellement fertiles, comme la plaine des Pouilles en Italie du Sud où certains villages ont pu compter jusqu’à cent habitations. Mais la moyenne se situe beaucoup plus bas, et le chiffre peut tomber au-dessous de dix. Dans certaines régions et à certaines périodes, il est même probable qu’il ait existé un habitat réparti en fermes isolées, comme aujourd’hui dans les régions de bocage; un tel modèle a été proposé pour l’habitat néolithique danubien du plateau d’Aldenhoven, dans la région d’Aix-la-Chapelle; il a sans doute été le type de peuplement dominant à de nombreuses périodes dans les îles Britanniques, et est bien attesté en Gaule à la fin de la protohistoire par la photographie aérienne. Le souci de protéger l’habitat semble étranger aux premiers colons néolithiques, mais il prendra vite de l’importance avec la multiplication de la population, la raréfaction des terres libres, et les risques accrus pour les biens et les personnes qui en résultent. Parmi les structures les plus précocement attestées dans le Néolithique d’Europe, il faut citer les fossés circulaires concentriques au nombre de un à quatre qui, dès le VIe millénaire, entourent les villages des Pouilles. Ailleurs, les premiers dispositifs de protection consistent en une palissade en bois (villages danubiens), ou un mur de pierre (Grèce). L’ensemble palissade-fossé-levée de terre se développe ultérieurement, à partir du début du IVe millénaire. En terrain plat, il s’agit de structures subcirculaires ou ovoïdes, conçues semble-t-il à l’origine pour la protection du bétail, et qui n’incluent les maisons qu’ultérieurement. Dans les régions à relief plus accusé, l’habitat tend souvent à occuper les hauteurs, et fréquemment l’extrémité d’un éperon, qui est alors barré par un système de fortifications plus ou moins complexe, les parties les plus escarpées n’étant défendues que plus sommairement. Dans ce type d’habitat, les maisons s’adossent de préférence au rempart,

Encyclopédie Universelle. 2012.

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